Née dans une famille paysanne de Bourgogne, Anne-Marie Javouhey (1779-1851) est l’une des grandes figures d’un catholicisme intrépide forgé en pleine déchristianisation révolutionnaire. Elle choisit très tôt de se consacrer à Dieu, « au soin des malades et à l’instruction des petites filles », et fonde en 1807 une « société Saint-Joseph ». Quittant alors la Côte-d’Or, non sans mésaventures, elle en fait la plus importante congrégation missionnaire féminine du XIXe siècle : les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, toujours actives aujourd’hui.
Un séjour en Afrique marque profondément la « sainte entreprise » à laquelle la religieuse consacre sa vie voyageuse et ses combats. Mais c’est en Guyane, au cours des années 1830, que le projet se concrétise. Ce sera le village de Mana, véritable monde à l’envers. Utopie paysanne dans le sillage d’ancêtres qui luttèrent pour leur « libère et franche condition », utopie chrétienne inspirée par les missions jésuites du Paraguay, utopie féministe où les chefs étaient cheffes, utopie dont le nom reste à trouver quand le pouvoir ne revenait à aucun homme “blanc” et “propriétaire”, et où les cheffes étaient aussi pauvres que ceux qu’elles dirigeaient.